Sortie mère-fils -MEghan

Je n’avais jamais été un adepte de tatouage ou autre truc du genre. La preuve étant que j’en avais même émis le désir d’en avoir un. Cependant, ça faisait quelques temps que j’avais eu l’idée de m’en faire faire un.  Même si je n’étais pas super doué en dessin, je l’avais dessiné moi-même à temps perdu, le soir où j’allais me coucher et que j’en avais marre de perdre mon temps sur mon cell.Évidemment, il faudra un jour que je daigne me rappeler que je devrais reprendre mes cours, mais en ce moment c’est la partie où le cœur n’y était pas.  C’était un peu la galère, car avant c’était le hockey qui me gardait motivé et sur les bancs d’école. Bref, je n’avais pas repris les cours, alors fallait que je trouve de quoi occupé mes dix doigts en ce moment et apparemment pour le moment c’était le dessin. Bref, c’est ma mère qui avait eu l’idée qu’on ait se le faire tatouer tous les deux. Au début, j’avais rechigné un peu, mais finalement j’avais trouvé l’idée sympathique, alors elle avait pris rendez-vous pour nous. Ce serait quand même agréable comme sortie mère-fils.  Je détestais profondément encore avoir le regard des autres sur moi, j’étais encore dans l’acceptation, mais le salon était désert à cette heure-ci donc c’était parfait. J'avais quand même le hoodie de mon équipe de hockey sur le dos et j'avais ma capuche sur la tête. Une fois le tatouage terminé ma mère avait proposé de se rendre dans un café juste à côté, café qui m’était accessible en chaise roulante.  Ça allait être plus complexe, car là-bas il y avait un peu plus de gens, mais bon je n’avais pas envie de retourner au centre tout de suite.  Le petit brin de normalité dans ma vie anormale faisait un bien fou.  Lorsque ma mère dépose un café devant moi, je lui souris.  Je n’étais pas encore rendu à me risquer à apporter un café dans mes mains, c’était un allé simple pour que le liquide chaud se répande au complet sur moi.  Puis elle prend place devant moi, pendant que je jette un œil sur mon cell.

« Merci! »

Dis-je en lui souriant quand même.  J’étais reconnaissant de cette sortie, je savais que ça demandait beaucoup à ma mère, car elle avait quand même six autres enfants à la maison et que je suis l’ainé.  Toutefois, j’appréciais vraiment qu’elle fasse ses efforts pour moi.  J’ai toujours été un peu du genre petit garçon à maman et ça n’allait pas changer.   Je prends une gorgée de mon café et lui dit.

« Pas trop traumatisé par le tatouage maman? »

J'allais plutôt bien en ce moment.  Dans tous les cas, ma mère n'avait pas besoin de s'inquiéter à outrance pour moi, elle le faisait déjà sufisamment.

Lorsque j’avais eu mon accident, je m’étais senti terriblement seul et surtout à l’autre bout du monde de ma famille.  J’avais beaucoup de choses à dealer en même temps et c’était beaucoup sur mes jeunes épaules. Heureusement, j’avais eu la chance si on peut dire ça comme ça, que ça se produise à domicile.  J’avais donc certains de mes coéquipiers avec moi à mon réveil.  Déjà sur la glace j’avais senti que quelque chose se passait avec mes jambes.  Seul dans ce lit d’hôpital, je voulais une chose c’était de rentrer à la maison et oublié cet épisode de ma vie.  J’ai donc passé une partie de la nuit sur la table d’opération afin de solidifier ma colonne vertébrale qui à l’endroit du choc était en morceau.  C’est le lendemain, vers l’heure du midi et totalement en douleur que mamie était arrivée à l’hôpital avec ma sœur Flo et Aiden.  Ce sont à ce jour trois seuls qui m’ont vu totalement m’effondrer après mon accident.  J’ai dû passer de longues minutes à pleurer comme un con dans mon lit avec mamie qui me jouait dans les cheveux pour me réconforter.   Ce jour-là, j’ai passé le fameux IRM qui allait me confirmer que je ne me tiendrai plus jamais sur mes deux jambes.  Encore une fois, mamie était là quand le médecin me l’a annoncé… La seule chose que j’ai dis sur le coup c’était un NON super retentissant. J’avais beau m’en douter, me le faire confirmer c’était terrible!   Même Aiden s’était retourné pour ne pas montrer la petite larme qu’il avait à l’œil.  Ce moment charnière de ma vie, je crois que j’aurai 90 ans et que je m’en souviendrai encore!

Depuis, j’avais évidemment remonté la pente.  Au centre de rééducation on me considérait comme une force de la nature, mais c’était inné en moi de voir le bon côté des choses.  Je n’avais jamais regardé de nouveau une partie de hockey, je n’étais pas encore rendu là dans mon cheminement, mais je continuais à porter mes chandails de ma dernière équipe.  Mes coéquipiers et amis aussi restaient présents dans ma vie, on se parlait souvent par facetime et quand je serais prêt on voulait se faire une sortie. Tout ça m’aidait à me garder la tête hors de l’eau, ça et évidemment la présence de ma famille.  Aiden avait été secoué par tout ça, depuis il porte mon numéro.  Ça m’a vraiment touché quand il me l’a dit, surtout qu’on a le même nom de famille.   Ma mère aussi était vraiment présente et malgré sa vie de folie!  Je m’étais sur le coup senti très coupable de lui faire vivre ça, car elle n’en avait pas besoin.  Toutefois, j’étais déjà très proche d’elle et je trouvais que ça nous avait rapproché tout ça.  Elle avait donc embarqué dans mon idée de fou de me faire tatouer avec elle.  Je savais qu’elle en avait déjà, mais pas moi.    Le fait que c’était moi qui l’avais dessiné était vraiment important pour moi, surtout qu’il était symbolique.   J’étais donc dans une super bonne journée et avais sourit quand elle avait déposé la pâtisserie devant moi.  

« En tout cas, c’était parfait! »

Dis-je en jetant un coup d’œil sur mon « œuvre » que j’aurai toujours sur moi maintenant.  Je pouffe de rire quand elle me rappelle que ce n’était pas son premier!  C’est vrai, par moment j’oubliais que je n’avais pas une de ces mères plates pour qui un piercing c’est de la rébellion.

« J’avais peu d’avoir mal et que les spasmes dans mes jambes me fassent suer, mais ça bien été quand même! » Dis-je en rigolant, mais j’ajoute le plus sérieusement du monde.  « Ça faisait drôle d’avoir mal pour autre chose que mon dos! »  Dis-je en prenant une grande bouchée de ma pâtisserie. Je prends la peine de terminer ma bouchée et fini par ajouter.

« Tu me connais, je me donne à fond et même un peu plus.  J’ai hâte de rentrer à la maison, alors je me pousser au maximum! Toi ça va mum? » Façon, j’avais l’habitude au hockey de le faire hein! « Tu as vu Aiden a repris mon numéro au hockey? » Dis-je avec un mélange de sourire et de pincement au cœur.

Malgré mon grand optimisme légendaire, ça avait été la période la plus difficile de ma vie.  À l’instant sur la glace, je m’étais douté de ce qui se tramait, mais l’entendre ça m’avait complètement anéanti.  En un claquement de doigt, je savais que ma vie avait changé et surtout dire adieu au hockey. Encore aujourd’hui, j’ai beau savoir que ma vie ne sera plus jamais la même, la partie la plus difficile à accepté c’était de ne plus jamais chausser mes patins pour un match.   Le hockey avait guidé toute ma vie et là je ne savais plus quoi en faire.  C’était le seul aspect de ma vie qui me faisait encore galérer.  Pourtant, sur le reste j’arrivais à foncer, à me retrousser les manches et avancer, mais mon avenir je boguais totalement.  Si je me remémore ce moment charnière de ma vie, une chance que mamie avait été là, car je ne sais pas comment j’aurais réussi à ne pas disjoncter.   Mamie avait passé la semaine avec moi là-bas, avant que je puisse revenir près de chez moi à l’hôpital.   Déjà par chez moi, je m’étais senti un peu mieux, moins seul.   J’avais pu retrouver entre autres ma mère qui m’attendait à ma sortie de l’avion-ambulance.  Ça avait été le début de la longue route qui m’attendait et oui une fois le choc absorbé un peu, j’avais retrouvé mon sourire.

D’ailleurs, on me le dit souvent au centre de réadaptation que j’impressionne le personnel.  Ça m’amuse de le savoir, parce que pour moi c’est dans ma nature.  J’avais deux choix, m’écraser et me tirer une balle, ou travailler dur et retrouver celui que j’étais avant mon accident.  Ça ne veut pas dire pour autant que je trouvais ça juste comme situation, seulement que je ne suis pas du genre à m’écraser dans la vie.  D’autant plus que je savais que m’écraser, me couperait de beaux moments de vie comme celui-ci.  Ma mère était là et j’étais content de notre journée.   Je la gratifie de mon plus large sourire quand elle me parle de chef d’œuvre.  Je ne savais pas si c’était pour me flatter mon ego ou si elle le pensait vraiment, mais j’étais content.

« Chef d’œuvre! »

Dis-je en rigolant même un peu.  Je la regarde s’installer, mais hausse les épaules quand elle me demande si j’ai demandé à papy ou Victor.  Je ne suis pas du genre à me plaindre, plus du genre à endurer.

« Non, je veux pas les achaler avec ça. » Dis-je le plus naturellement du monde en prenant une gorgée de mon café. « Je suis habitué à dealer avec la douleur! »   Pourtant, je savais que papy m’arracherait la tête de m’entendre parler en ce moment et peut-être même Victor.  Je fais un oui de la tête à sa réponse que j’ai aimé ça et notre conversation se poursuit.  Parlant de ne pas achaler et inquiéter les autres, je ne pouvais pas m’empêcher de m’inquiéter pour ma mère.  Je savais qu’elle en menait large et j’étais content qu’elle soit honnête avec moi.

« J’aimerais ça être là pour t’aider! »

C’était sincère, à la différence que moi j’avais eu la chance d’aller vivre ma vie à l’autre bout des états-unis.  C’était quand même ironique, sachant qu’aujourd’hui je voulais qu’une chose c’était être à la maison avec eux.  Je souris, mais mon visage devient un peu plus sombre quand elle me parle du hockey.

« Je suis pas encore prêt… »

Malgré tout, je savais qu’elle avait voulu être gentille et je lui en étais reconnaissant, mais je ne pouvais pas remettre les pieds tout de suite dans un aréna.  Malgré tout, je mets ma main sur la sienne et la flatte avec mon pouce.